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Principes philosophiques

Ami, amie, si tu rejettes les dogmes qui aveuglent les hommes ... / Cercle du Libre Examen de l'ULB. 1971
Ami, amie, si tu rejettes les dogmes qui aveuglent les hommes ... / Cercle du Libre Examen de l'ULB. 1971

Définition synthétique du Libre-Examen selon le corpus

Quoique cela n'aille pas sans poser problème voici - en premier lieu - une définition synthétique des grands points qui constituent la démarche de libre examen. Cette définition rassemble, assez arbitrairement, des caractéristiques du libre examen qui se sont construites et développées au fil du temps et des courants de pensée.


Globalement toutefois, on peut dire du libre examen qu'il prône la suprématie de la raison sur les dogmes, les croyances et les mystères ; qu'il se veut un droit inaliénable et place la liberté de conscience au dessus de tout. Lutte permanente contre le cléricalisme - dont la définition est précisée plus bas - le libre examen exige de se défendre non seulement des contraintes extérieures, mais aussi de ses propres préjugés. Et si la pratique libre exaministe est un droit, elle ne va pas sans devoirs. Elle induit la solitude dans les choix, réclame un engagement militant quotidien et proscrit la passivité. Enfin, le libre examen exige un questionnement positif, en ce qu'il ne permet pas la facilité ni la démagogie. Il ne doit développer des arguments destructifs qu'à la condition de faire en même temps des propositions positives propres dans son jugement et en toute loyauté à se substituer à celles qu'il combat.

De la théorie à la pratique

Education ou mise en condition / Emile Copermann. 1973
Education ou mise en condition / Emile Copermann. 1973
Libre Examen et engagement / Leopold Flam. 1968
Libre Examen et engagement / Leopold Flam. 1968

Depuis qu'il a fait son entrée à l'Université, le libre examen a suscité débats et polémiques. Ainsi que le dit Chaïm Perelman, le principe du libre examen a acquis ainsi un sens très précis dans le domaine théorique, mais a-t-il aussi une portée pratique ? Un des premiers « combats » pour certains a été d'étendre ce principe, qui restait théorique et limité à l'enseignement, à une conception de vie. J.F. Cox va même jusqu'à dire que rien de ce qui est humain ne doit lui échapper. Pour Maxime Glansdorff, le libre examen est un mode de conduite efficace et bienfaisant, une sorte de remède à la nature de l'homme, un idéal moral qui permettrait de choisir l'éthique que doit recevoir la société mondiale du XXème siècle.

 

Extension du principe à l'action, engagement quotidien, recherche militante, démocratie

 

Dans Libre examen et démocratie, Perelman sacre le libre examen adjuvant de la démocratie. Selon lui, la démocratie n'est pas un régime nécessaire qui s'impose à tous, et qui se maintient quelle que soit l'apathie de ses partisans. [...] un régime démocratique, qui respecte d'autres valeurs et permet la poursuite d'autres fins que celles qui contribuent à sa propre puissance, [...] est nécessairement plus faible qu'un régime totalitaire [...]. Là où Perelman parle d'apathie, Janne parle de paresse, mais il s'agit bien de commuer une théorie en un principe d'action, en un engagement ferme et définitif. Janne l'exprime en ces termes : Le nœud du libre examen, au plan de la personne, ce sont la conviction, la volonté et le choix d'être seul responsable et créateur ou recréateur de sa propre pensée avec le devoir d'y conformer son action sans provocation mais sans faiblesse.

 

Difficile en pratique

 

Néanmoins, à l'instar de Lucia De Brouckère, tous s'accordent à dire que pour adopter un point de vue impopulaire dans son milieu, il faut beaucoup de courage. La pratique du libre examen est difficile. Elle ne correspond à aucune aspiration spontanée des hommes. En exigeant un questionnement positif et en excluant indifférence et passivité, la pratique du libre examen devient un véritable engagement. Pour Janne, c'est l'attitude morale accompagnant le libre examen qui lui confère sa spécificité et évite de le confondre avec le rationalisme, le courant de démocratisation des études, l'expansion de la recherche et de la culture, etc.

Remède à la nature de l'homme, former les hommes de demain

Le partage du savoir / Philippe Roqueplo. 1975
Le partage du savoir / Philippe Roqueplo. 1975

Par ailleurs, en tant que principe d'enseignement, tous s'accordent sur sa dimension éducative. Pour Lucia De Brouckère, le libre examen permet d'assurer la libération de tous les hommes et de toutes les femmes afin qu'ils deviennent les créateurs de leur société au lieu d'en être le produit. Pour Janne, il est non seulement indispensable au progrès de l'humanité mais aussi la seule attitude intellectuelle et morale qui puisse vaincre les tendances au conditionnement et à l'aliénation que recèle la mutation de notre société. La Revue de l'Université de 1949, quant à elle, déclare que le principe du libre examen affirme la confiance dans l'homme, et sans être certain de réussir, nous essayerons quand même, dans la mesure de nos moyens, de maintenir vivante, la communauté spirituelle qui seule rend possible l'usage de l'argumentation rationnelle.

 

Neutralité et tolérance

 

Autour de ce principe gravite également la question de la neutralité. En 1902, Maurice Sand s'insurge contre ceux qui voudraient donner à l'Université de Bruxelles le caractère neutre d'une Université d'Etat. Depuis, évidemment, la question ne se pose plus en ces termes et le libre examen et l'ULB sont inextricablement liés. Toutefois, la question de la neutralité soulève aujourd'hui d'autres enjeux. Dans son Approche du libre examen, le Cercle du même nom s'insurge contre le principe de neutralité : le libre examen n'est pas neutre ; il est nécessairement engagé contre toute forme d'opposition, d'injustice, d'intolérance, contre tout ce qui peut porter atteinte à la liberté et à la dignité de l'homme. Mais il n'est inféodé à aucun parti, à aucune philosophie en particulier. Et on en revient au principe d'action cité précédemment. Mais là où - selon certains - le bât blesse, c'est que cette facette du principe n'est pas suffisamment connue et Lucia De Brouckère le résume bien ainsi : notre institution [...] n'est donc pas neutre, elle est engagée et chacun doit le savoir.

 

Quant à la question de la tolérance - dont  Hermann Pergameni discourt en 1934 et que d'aucuns traitent de « tarte à la crème » - il semble qu'il faut y comprendre qu'adhérer au principe du libre examen, c'est non seulement revendiquer un droit inaliénable, celui de l'absolue liberté de conscience, mais c'est surtout assumer une responsabilité : celle de développer sa réflexion critique personnelle et de garantir aux autres le droit et la possibilité d'en user eux-mêmes.

 

 

Recrutement et "délit d'opinion"

 

Pour pallier ces défaillances, qu'il s'agisse des étudiants cléricaux, paresseux, indifférents ou tout simplement mal informés, certains extrémistes proposent de soigner le recrutement afin de décourager les croyants et les indifférents, avançant que le libre examen ne serait crédible que s'il permettait de répondre, mieux que le catholicisme, au aspirations des étudiants. En 1902, Maurice Sand propose une autre stratégie. Pour porter un coup fatal à l'invasion cléricale, il propose de combattre inlassablement les théories catholiques, afin que, quand l'Université aura ce caractère franchement anticlérical, les catholiques pointus n'y viendront plus, et les autres s'y laisseront convertir. La proposition de Lucia De Brouckère s'avère plus fine et nuancée, plus en accord avec l'essence même du Principe. Notre Maison, dit-elle, accueille en tant qu'étudiants à part entière ceux qui ne partagent pas son idéal. Elle ne veut en aucun cas se transformer en Ghetto dont une partie de la jeunesse serait écartée pour délit d'opinion

Redéfinition du cléricalisme

La foi chrétienne et le Libre Examen / Marthe Van de Meulebroeke et J.C. Barreau
La foi chrétienne et le Libre Examen / Marthe Van de Meulebroeke et J.C. Barreau

Revenons-en au cléricalisme. Dans les jeunes années de l'Université, l'ennemi à combattre était le dogme sous toutes ses formes, plus spécifiquement incarné en la personne de l'Eglise catholique et de sa mainmise, entre autres, sur l'enseignement. Mais, ainsi que le rappelle Janne en 1967, dans le monde moderne, le cléricalisme [...] n'est plus une question de vie ou de mort comme avant la première guerre mondiale... En 1979, Lucia De Brouckère annonce aux étudiants que l'Eglise n'est plus notre principal ennemi et en 1991, on peut lire dans la réédition de la brochure de l'UAE que le dogmatisme n'est pas mort, il a muté.

 

Aujourd'hui, il ne faut donc plus comprendre le terme de cléricalisme comme réservé à l'Eglise, mais bel et bien comme l'appropriation exclusive et organisée du savoir ou du pouvoir de la collectivité au profit d'une minorité de clercs seulement. Autrement dit, avec les mots de Pergameni, la dictature des dogmes, qu'elle soit politique, sociale, esthétique ou intellectuelle.

 

Problèmes et limites d'une définition

 

Ainsi que l'exprime Maxime Glansdorff en 1958, le libre examen ne se réclame pas de vérités définitives ; il se préoccupe du renouvellement méthodique des idées et répugne à leur conservation obligatoire. Et de manière plus précise encore, Perelman en 1945, met en garde contre les définitions qui, quel que soit leur caractère, présentent de graves inconvénients. Le principe du libre examen n'a pas à formuler, de façon positive, les méthodes qu'il approuve dans la recherche de la vérité ; il dépasse son rôle et fausse sa porté en se définissant à l'aide d'une doctrine philosophique déterminée qui, tôt ou tard, le ferait dégénérer en un dogmatisme contraire à son essence. Gare, donc, à ne pas faire religion du libre examen !

 

 

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Dernière mise à jour : 6 novembre 2009