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Les dernières années

Henri Pirenne vu par Ochs (Pourquoi pas, 9 octobre 1925, n°584)

Admis à l'éméritat, Henri Pirenne avait quitté Gand en 1930 et s'en était allé habiter l'agglomération bruxelloise : une ravissante maison précédée d'un jardin au 13, avenue Fructidor (aujourd'hui avenue Henri Pirenne), à Uccle. Propriété taillée, comme ses voisines, dans les parties extérieures du parc entourant jadis la demeure d'un autre médiéviste belge de renom, Léon Vanderkindere, professeur à l'Université de Bruxelles.

Moins d'un an plus tard, il eut la douleur de perdre son fils cadet Robert, jeune magistrat, qui dans ses loisirs poursuivait d'intéressantes recherches d'histoire du droit. Le coup fut si cruel que Pirenne se demanda un instant s'il serait capable de continuer ses travaux. Au début de novembre, devant la tombe de Guillaume Des Marez, professeur à l'Université de Bruxelles, décédé le 2 de ce mois, il commençait par ces mots déchirants un dernier adieu à son ancien élève : « Il est monstrueux qu'un père survive à ses enfants et qu'un maître survive à ses disciples ». Cependant, la tendresse des siens et, encore une fois, le travail le sauvèrent. Nommé professeur agréé à l'Université de Bruxelles, il y fit, de novembre à décembre 1931, un cours public sur Mahomet et Charlemagne, préfiguration verbale du livre qu'il préparait. Ce fut un succès sans précédent : on évoquait l'auditoire de Bergson au Collège de France. Après le cours, Pirenne se retirait dans un café du voisinage avec un petit nombre d'historiens, jeunes ou d'âge moyen, sortis de Gand ou de Bruxelles et en leur compagnie poussait plus loin l'examen du sujet traité, comme en un séminaire ; pour quelques-uns de ceux qui participèrent à ces entretiens, ce furent là des heures exceptionnellement fécondes.

Médaille frappée à l'occasion de l'achèvement de l'Histoire de Belgique (1933).

Février 1932, autre grande date dans ces dernières années de la vie de Pirenne : le tome VII de l'Histoire de Belgique, achevé le 18 août 1931 dans sa maison de campagne de Sart-lez-Spa, voyait le jour. Le dernier volume de cette grande œuvre était dédié à la mémoire de son fils Robert, comme le cinquième volume l'avait été à la mémoire de son fils Pierre. Quelques semaines plus tard, il prononçait, au cours d'une manifestation organisée à cette occasion par la revue Le Flambeau, une manière de Cantique de Siméon, trop beau pour ne pas être reproduit ici : « ... Ce livre, je me réjouis profondément de l'avoir achevé. J'ai eu ce rare bonheur de pouvoir y travailler pendant trente-cinq ans. Il a rempli la meilleure partie de ma vie. Je l'ai commencé dans la pleine santé de la jeunesse, en une période de prospérité publique et privée. Audacieusement j'ai mis à la voile pour une longue traversée et durant longtemps le vent m'a poussé sur une mer calme et bienveillante. Quand la tempête est venue, j'étais trop loin pour revenir en arrière. A travers la détresse de la patrie et les tristesses de l'existence, j'ai conservé la direction, et le souci d'arriver au port m'a permis de supporter plus facilement bien des traverses, en m'absorbant dans ma tâche. Car je m'y suis absorbé, et combien je lui suis reconnaissant du puissant dérivatif qu'elle a été dans ma vie ».

L'achèvement de l'Histoire de Belgique allait permettre à Pirenne d'écrire enfin ce Mahomet et Charlemagne, qu'il préparait depuis si longtemps. Il s'efforçait de ne pas s'en laisser distraire et il tenait, très sommairement, ses intimes au courant de l'état d'avancement du travail. Le 4 mai 1935, il en achevait une première rédaction. Trois semaines plus tard il fut à nouveau cruellement atteint : son fils aîné, Henri-Edouard, mourait brusquement le 28 mai. Ce même jour, il tombait malade lui-même. La peine et le mal eurent cette fois raison de sa résistance ; le séjour à la campagne dans sa chère maison de Sart-lez-Spa, ne lui apporta pas le soulagement qu'il en espérait. Rentré à Uccle en octobre, il s'y éteignit doucement le 24 de ce mois, à l'âge de soixante-treize ans.

Texte de GANSHOF François-Louis : "Pirenne, Henri", in Biographie nationale, Bruxelles, Emile Bruylant, t. 30, 1959, colonnes 682-684. Reproduit avec l'aimable autorisation de  l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.

 

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Dernière mise à jour : 8 août 2006